Billet radio pour la Première (RTBF), 21 septembre 2010 – Ecoutez le podcast
Cela fait aujourd’hui exactement 100 jours que nous avons voté, et certains nerfs sont en train de lâcher. On nous parle de « plan B », on nous dit qu’il faut se préparer à la séparation, des bourgmestres en appellent sans rire à un nationalisme wallon, des quotidiens font des scenarii étudiés sur la scission…
Et pourtant, malgré cette dramatisation, la scission du pays, décidemment, je n’y crois pas. Pour deux raisons. La première c’est le principe du balancier. Avez-vous remarqué que la plupart des indépendances surviennent en réalité sans que personne ne les voie venir ? Le bloc de l’est, la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie, tout cela s’est démembré rapidement, à la surprise générale.
En revanche, tous les mouvements nationaux enfermés dans des démocraties, comme les Basques, les Catalans, les Écossais, les Québécois n’aboutissent pas. Pourquoi ? Parce que ces mouvements développent et préparent ouvertement un arrachement douloureux et que, par ce seul fait, ils suscitent les contre-feux défensifs et intégrateurs qui empêchent cet arrachement d’advenir…
En mettant au jour et en débattant toutes les conséquences possibles d’un événement, vous braquez et freinez sa réalisation, car la population bercée d’habitudes ne suit pas l’aventure. Elle ne peut pas être surprise. C’est pour cela que la NVA essaie d’entretenir le sentiment national sans proposer pour autant de plan d’indépendance clair et qu’elle traîne sa victoire électorale comme un boulet.
En fait, c’est comme dans la vie ; si vous vous mettiez à réfléchir à toutes les conséquences de vos grandes décisions, vous n’agiriez plus. Peut-être même que plus personne ne se marierait ou n’aurait d’enfants, allez savoir… Chaque grande décision, même mûrie, est précédée par un court instant « d’inconscience consciente », si vous voulez : à un moment-clef j’arrête de réfléchir et je saute dans le vide, sinon je sais que je n’agirai pas. En clair, a contrario, plus on prépare la fin de la Belgique, plus on remet en lumière les raisons qui font qu’elle existe, et donc moins on y arrivera réellement.
C’est mon deuxième point : retournons le problème. Si tout va si mal que ça, pourquoi la Belgique existe-t-elle toujours ? Parce que sa sociologie, ses finances, sa culture, sa démographie sont trop imbriquées entre ses trois Régions – songez au nombre de Belges qui franchissent entre deux et quatre frontières régionales par jour.
Les conséquences d’une séparation sont encore plus ingérables que nos problèmes de gouvernance. Il n’y a pas de solution simple, c’est notre meilleure assurance-vie. Mais on oublie cette évidence et on semble se faire peur un peu vite.
On agite la fin du pays de manière irréelle, comme si cela signifiait la fin de tout ce que nous connaissons, comme si le sol allait s’ouvrir au-delà du ring ou que des murs allaient surgir au nord de Neder-over-Hembeek, ou comme si une force pouvait déporter ailleurs les francophones de la périphérie ou les Flamands de Bruxelles… Mais non, bien sûr, et c’est bien pour ça qu’imaginer une autre structure étatique qui fasse coexister cette complexité est un leurre.
Quand nos négociateurs auront fini de se chatouiller pour se faire rire, on en reviendra aux bases : plus on envisagera la séparation de ce pays, plus on se rangera au constat que la Belgique constitue déjà le compromis. Il semble qu’il y ait, autour de la table, ceux qui le savent déjà… et ceux qui sont en train seulement de s’en rendre compte.
Catégories :Chroniques Radio
Bonjour,
Je suis tout à fait d’accord avec vous.