Migration : Basses peurs à droite, hypocrisie coupable à gauche

Billet radio pour la Première (RTBF), 16 novembre 2010  

Quel est le point commun entre les politiques d’interculturalité et de migration ? Précisément l’absence de politique ou, pour être plus précis, un choix peu assumé de traiter les conséquences des événements et non leurs causes premières, choisir  une forme de gestion a posteriori et résignée et non une anticipation planifiée, comme devrait l’être l’art de gouverner. On en parlé la semaine passée pour l’interculturalité, parlons-en aujourd’hui pour la migration.

La question de l’asile a ressurgi dans l’actualité par le biais de ce qu’on nomme, dans le secteur, la crise de l’accueil, c’est-à-dire le fait que les infrastructures chargées de prendre en charge les demandeurs d’asile ne parviennent plus à faire face à l’afflux actuel. Très vite, en pareils cas, le carrousel aux amalgames se met en marche, faisant valser pêle-mêle asile, intégration, régularisation, naturalisation alors que toutes ces notions représentent des réalités complexes et différentes. Une certaine droite joue hélas avec la peur de l’étranger pour s’offrir une popularité à moindres frais sur des caricatures flattant le repli et la fermeture. Ce n’est pas à son honneur.

Dans le cas d’espèce, la focalisation sur le nombre élevé de demandeurs d’asile a pour effet qu’on ne se pose jamais la question des motifs de migration… Or tout est là. Pourquoi y a-t-il tant de demandeurs d’asile ? Est-ce vraiment par le seul biais d’un appel d’air et du bouche-à-oreille ? Beaucoup de migrants viennent de pays en crise ou en guerre, c’est vrai. Mais plus fondamentalement, les gens se font demandeurs d’asile parce que c’est l’une des seules cases possibles pour émigrer. La migration a toujours existé et perdurera ; les gens bougent pour survivre ou vivre mieux – pour travailler, tout simplement. Seulement, ils sont bien obligés de s’inscrire dans les « cases » disponibles. Or la Belgique a officiellement fermé ses frontières à la migration de travail ; si vous n’êtes pas ingénieur indien ou investisseur américain ou japonais, en gros, vous n’aurez pratiquement aucune chance d’obtenir votre visa de travail. Vous vous orienterez donc vers les cases disponibles, c’est-à-dire, l’asile, la migration étudiante, ou encore le regroupement familial après mariage, avec la part d’abus inhérente à chacune de ces voies.

Vous me direz : pourquoi ne pas ouvrir un canal de migration économique, permettant à un certain nombre de personnes de migrer pour les raisons pour lesquelles ils viennent réellement, en lien avec nos propres manques sur le marché du travail ? Là, figurez-vous que c’est une certaine gauche, aiguillée par les syndicats, qui n’en veut pas et hurle à l’odieux utilitarisme capitaliste et à la fuite des cerveaux à la simple évocation d’une migration de travail… Non : à gauche, on trouve plus sain de refuser ces travailleurs étrangers tant qu’ils sont à l’étranger, et de leur ouvrir les bras ici lorsqu’ils sont arrivés clandestinement et, alors seulement, de les prolétariser et de les faire régulariser. Peu importe que ce soit profondément injuste au regard des candidats migrants qui, eux, n’ont pas eu le cran ou l’argent suffisant pour arriver illégalement jusqu’ici et ont naïvement et vainement rempli une demande de visa de travail. Peu importe l’hypocrisie insoutenable qu’il y a à dire « maintenons les frontières fermées aux travailleurs étrangers, camarades » d’une main et « aucun homme n’est illégal » de l’autre.

Entre une droite qui cède à la tentation de surfer sur les peurs les plus basses, une gauche qui ne s’intéresse aux étrangers que lorsqu’ils arrivent ici et représentent une force électorale à terme, et un centre dont personne ne comprend vraiment ce qu’il pense, on attend encore la fin du jeu de « patate chaude » sur la migration. Peu importe la couleur des responsables politiques ; ce qu’il leur faudra, c’est un peu de courage.

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