Billet radio pour la Première (RTBF), 15 novembre 2011 – Ecoutez le podcast
Ah, les conclaves budgétaires ! Toute cette testostérone de parti au service de l’intérêt général, tous ces muscles saillants au service du citoyen, toutes ces mâles déclarations à côté desquelles le brame du cerf d’automne fait figure de miaulement de petit chat, tous ces serviteurs de l’État qui promettent que non, c’est promis, on ne touchera pas au citoyen, tout ce cinéma de dramatisation nécessaire à l’accouchement dans la douleur d’un compromis incontestable… Oui, ça a quelque chose de beau comme un été indien et c’est un peu comme Saint-Nicolas : s’il ne revenait pas chaque année, peut-être même qu’on y croirait.
Un budget en théorie c’est simple ; vous avez une colonne « recettes », une colonne « dépenses », et vous devez les mettre en équilibre. C’est un peu comme une grosse partie de Tetris sauf que les lignes hélas ne disparaissent jamais et qu’on démarre ici avec un handicap-colonnes spécial de 11 milliards d’euros. Et pourtant, concédons-le, quelle rupture avec le luxe que l’État se donne habituellement. La moindre entreprise, la moindre asbl doit faire des budgets en équilibre en permanence, sous peine de se mettre en danger immédiat. L’État lui, est en déficit chronique presque chaque année, et ne se secoue véritablement pour retrouver l’équilibre à moyen terme dans le présent exercice que parce que le niveau de sa dette publique est tel que le moindre changement de notre cote de remboursement sur les marchés viendrait plonger nos finances à des niveaux si abyssaux qu’on s’y noierait comme en mer Égée.
Ce conclave budgétaire-ci est donc spécial. Pas tant à cause de la dimension historique de l’effort demandé que parce qu’on a l’impression que, pour la première fois depuis longtemps, l’équilibre devient une norme nécessaire, et non pas un mode d’emploi ou un guide coutumier que l’on ne respecte que si on a de l’argent et qu’on n’hésite pas, dans le cas contraire, à enfreindre en léguant aux générations suivantes déficits et dette publique. L’événement, c’est que l’État se rend compte qu’il doit ficeler ses budgets avec la même rigueur que le boulanger du coin, qui serait sans doute sur la paille, lui, après trois déficits successifs. Et ça c’est quand même chouette. Car même si chez nous on attend d’avoir le pied sur le bitume pour changer les plaquettes de frein, au bout du compte, nécessité fait encore toujours loi.
Un budget c’est a priori facile comme un dessin d’enfant, donc. Celui-ci me fait penser au mouton du Petit Prince, vous savez bien, celui que l’aviateur Saint-Exupéry doit dessiner à un petit garçon sorti de nulle part dans le désert. Exercice simple ; et pourtant Saint-Exupéry n’arrivait pas, lui non plus, à dessiner son mouton. Le Petit Prince n’était pas content des esquisses proposées par l’aviateur. Le premier mouton avait l’air trop malade, le deuxième trop vieux…. Ici, ce sera pareil, tel budget paraîtra trop axé sur les taxes, tel autre trop pesant sur les dépenses de l’État…
Et vous souvenez-vous, Marie-Laure, comment notre Saint-Ex s’en est finalement sorti ? Il a dessiné une boîte avec des trous en disant au Petit Prince : « C’est la caisse ! Le mouton que tu voulais est dedans ». Je prédis ceci : le formateur nous sortira bientôt une boîte en carton avec écrit dessus « budget 2012 », avec des petits trous pour le laisser respirer. Et chacun de ses collègues à ses côtés, arborant le visage illuminé d’un enfant de dix ans, dira alors comme le Petit Prince : « C’est tout à fait ce que je voulais ! ».
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