Billet radio pour la Première (RTBF), 18 septembre 2012
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Je voudrais vous parler de mon ami Roland.
Roland a deux qualités majeures : il a des tenues de vélo que lui seul ose porter et il est luxembourgeois. Roland vit depuis des années à Bruxelles et, à part un très léger accent fleurant bon la Westphalie, rien ne permet de deviner ses origines. Figurez-vous que Roland est en train de faire les démarches nécessaires pour devenir belge ; or ses amis l’interpellent, lui demandent pourquoi diable il veut faire une chose pareille, sur ce ton à la fois consterné et compatissant du gars qui vous demande pourquoi vous décidez de devenir transsexuel, marxiste-léniniste ou témoin de Jéhovah. Et Roland, lui-même troublé qu’on lui pose la question, répond simplement que c’est une question de cohérence. Il a ses attaches ici, il a son avenir ici, il trouve normal d’en adopter la nationalité.
Le problème de Roland, c’est qu’il tente d’avoir un rapport normal avec la nationalité dans un pays où cette question est tout sauf normale. Notre sentiment national ressemble à une tour de Babel construite en légos multicolores par un hyperkinétique. En Belgique, beaucoup d’étrangers choisissent la naturalisation, et beaucoup d’autres vivront toute leur vie ici sans devenir belge. La nationalité devient un attribut utile ou non, une sorte d’option Touring secours, une manière de garder un lien sentimental, rarement, ou de se faciliter la vie, plus souvent. Ainsi, pour Bernard Arnault, 1ère fortune d’Europe qui met sa France natale en émoi parce qu’il a osé demander sa naturalisation belge, il s’agit simplement de mettre ses œufs dans des paniers différents.
Bref : en Belgique, la nation comme attribut est en pleine forme alors que la nation comme essence se meurt. Mais faut-il réellement le regretter ? La nation-type du 19ème ou du 20ème siècle dont nous avons l’étrange nostalgie, n’est-elle pas toujours rejet de l’autre en même temps qu’exaltation de soi ? On a beau romancer la nation à chaque occasion, tenter de faire rimer fanions et flonflons, rien n’y fait : la nation c’est toujours « nous » contre les autres, et comme l’a dit un jour Mitterrand, « le nationalisme c’est la guerre » ; il faut des féroces soldats à combattre pour que leur sang impur abreuve nos sillons. Et si on a réussi à diluer le nationalisme meurtrier des tranchées dans le patriotisme béat des stades de football, il n’y a pas de quoi être fier pour autant : une nationalité reste aussi vaine et contingente qu’une langue ou une couleur de peau. C’est un attribut, rien d’autre. Il est nécessaire d’en avoir une, mais il est absurde d’en être fier ou honteux. Elle n’a d’importance réelle que pour ceux qui ont une frustration à combler.
La nationalité belge, sous cet angle, c’est une sorte de must. Le fait que les amis belges de Roland s’interrogent sérieusement sur sa démarche est symptomatique de cet étrange masochisme national qui s’efforce d’intérioriser le mépris naturel des grandes nations qui nous entourent. C’est injuste ; en réalité nous sommes en avance. Cher Roland, cher Bernard, moi je vous soutiens : devenir belge d’adoption, ce n’est pas seulement hyper tendance : c’est « le » choix contestataire par excellence. Devenir belge, c’est choisir d’appartenir à un monde où le surréalisme est roi, qui a décidé qu’avoir une nationalité est un moyen et non une fin ; être belge c’est choisir un pays dont la finitude et la conscience de la brièveté de notre passage sur terre est la marque de fabrique, et qui laisse l’illusoire éternité et vaine grandeur aux grandes nations imbues d’elles-mêmes. C’est choisir un pays malade de ses faits divers mais qui en dilue la médiocrité dans l’autodérision. C’est choisir un pays qui ne se prend, lui, pour rien d’autre qu’un pays, et dont les habitants savent que l’important dans la vie n’est pas la couleur d’un passeport, mais tout ce qui déborde du cadre.
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Catégories :Chroniques Radio
Hello !
Bon, j’en ai marre de me répéter et de dire combien ta plume est mélodieuse et le verbe juste.
Donc, prochain billet tu nous fais un truc moche, mal écrit et pas intéressant… tenté ?
Cheers
Etre belge, c’est avoir la nationalité attachée à un Etat-tampon dirigé par une royauté allemande naturalisée anglaise, attaché aux expulsions illégales (cf. cas très récent de la chanteuse cubaine Gladys Hernandez) et aux naturalisations de grosses fortunes. Etre belge, c’est aussi (et surtout !) vivre dans un paradis fiscal pour les riches et dans un enfer fiscal pour les travailleurs. Sinon, pour le reste, votre texte est bien tournée.
Fds
Belle ode à la Belgique, le royaume du surréalisme.
Né dans les éprouvettes du Congrès de Vienne, enfant-éprouvette, enfant médicament (faire tampon entre l’Angleterre et la France), champ de bataille européen (du Moyen-âge, jusqu’à la 2WW), défi à la « bonne gouvernance » :6 Parlements, 3 Régions, 3 Communautés s, 10 Provinces (qui ne recouvrent pas les mêmes concepts culturels, géographiques, linguistiques,) siège de la première tentative de faire une Union Politique, sans faire la guerre,…
Un pays qui maintient l’indexation automatique des salaires, les indemnités de chômage puis relayées par l’Aide sociale, équivalent au SMIG, sans quasi aucune compensation…
Un pays où le système de santé est un des plus efficace et qui permet le choix …
Un pays surendetté où l’épargne interne lui permet d’avoir une note internationale acceptable…
Un pays de râleurs, pas sexy pour un sou.
Un pays qui ne sait pas reconnaître ses « vertus », trop modeste (encore bien !), un pays où « il ne fait pas naturellement » bon vivre, mais où, globalement « on » vit bien !
Je confirme : « ce n’est pas le pays de « toi, moi, nous » ou Alice au pays des Merveilles (nota : C.LEWIS a écrit un livre « surréaliste »)…Mais, il n’y a pas de « paradis » ….Un grand ( ?) philosophe a écrit « l’enfer, c’est les autres »….Et la sagesse populaire « l’herbe est plus verte dans la prairie du voisin »)…
Sagesse Belge,
Un Belge, content de l’être, sans plus…
Devenir belge n’est pas aussi facile pour tous … certains ont des facilités que d’autres n’ont pas … selon que vous serez puissants ou misérables …
Cynique : « accueillir un riche peut rapporter, parfois, accueilir un pauvre cela coûte toujours »
Comptable : « Statistiquement, il y plus de pauvres que de riches »
Politiquement correct: « c’est pour cela qu’il faut prendre aux riches pour donner aux pauvres »
Réaliste : « Comment on fait ? »
Economiste : « Voilà les raisons, pour les solutions on en a pas, on pourrait essayer….ceci ou cela »
Gentilhomme : « tend la main à ton voisin »
Désabusé : « tous pourris »…
Chacun ajoutera sa popre réflexion à ces aphorismes ou y ajoutera le sien
Salutation voisin belge,
Voici le second entretien sur l’actualité politico-médiatique du 8 décembre 2012 entre les natios Philippe Ploncard d’Assac et Florian Rouanet :
http://ploncard-dassac.over-blog.fr/article-entretien-sur-l-actualite-n-2-avec-florian-rouanet-113424829.html
Nationalistes de tout les pays unissez-vous !
Maintenant que Bernard Arnault a retiré sa demande de naturalisation, le fin mot de cette histoire m’appartient, Depuis le 18 janvier la chose est faite pour moi, alors que ce cher Bernard est resté coincé dans les starting-blocks. Maintenant il faudra la vivre, cette belle chose, ce « plébiscite de tous les jours », comme écrivit Renan. J’y penserai ce weekend quand j’aurai enfourché mon vélo pour parcourir quelque route de ma nouvelle patrie.