Billet radio pour la Première (RTBF) – 29 septembre 2009
On a dernièrement beaucoup glosé sur les « assises pour l’interculturalité » convoquées durant une année par la Ministre de l’égalité des chances. Sans aborder ici le fond, parlons du recours de plus en plus fréquent à ce genre d’outils de consultation. Les termes choisis, d’abord, font toujours référence à l’histoire et au lien avec le peuple ; on parle tantôt d’assises, d’états généraux, de contrat ou autre grenelle. La création de ces forums semble se profiler lorsqu’un problème est devenu trop sérieux pour être ignoré par le politique, mais paraît toutefois trop délicat pour être tranché, et qu’il faut donc compenser l’inaction par un signal participatif. Cela permet aussi de gagner du temps, qui comme vous le savez est le bien politique le plus précieux.
Or, si l’intention de combler le fossé entre gouvernants et gouvernés est louable, le risque de contre-productivité est réel. D’abord parce qu’en général ces manifestations n’aboutissent qu’à très peu de choses au regard de l’énergie dépensée par celles de ceux qui s’y prêtent, généralement issus de la société civile d’ailleurs. Au mieux, les conclusions se déclinent en termes consensuels et irréfutables, alors que la traduction concrète des options demande, elle, des choix techniques et budgétaires. Ces choix impliquent des arbitrages si complexes qu’ils ne peuvent être laissés à une assemblée thématique volontaire mais devront être tranchés par le pouvoir politique – le seul démocratiquement légitime, soit dit en passant.
Ce qui est inquiétant, en réalité, c’est que le recours à de tels outils traduit l’impuissance du politique face à un monde de plus en plus complexe, dans un pays certes très difficile à gérer, où la moindre décision doit se négocier durement entre partis, communautés, piliers, autant d’acteurs dont la seule présence dilue la force de décision. Faute de décider, il convient de montrer qu’on se préoccupe. Il est objectivement plus facile de convoquer une réunion que d’opérer une réforme.
C’est bien moins risqué, aussi ; à la décharge des autorités, il faut le reconnaître, les citoyens sont peu enclins au changement et à l’acceptation des rares décisions que le politique peut encore prendre. Quand la simple évocation d’une piste d’économie dans l’enseignement engendre un arrêt de travail généralisé, alors qu’il n’y a pas le moindre embryon de décision sur la table, on comprend que les autorités se tétanisent et cherchent des moyens de montrer leur empathie sur les sujets les plus sensibles, quitte à offrir des gages consultatifs.
Mais c’est comme en amour ou en amitié : si vous suggérez trop de promesses que vous ne pouvez pas tenir, vous minez votre relation bien plus sûrement qu’en assumant votre rôle. C’est une question de respect de l’autre. Gouverner, c’est choisir, choisir c’est renoncer, et renoncer c’est décevoir. Aucune assise, aucun contrat ne permettra d’échapper à cette douloureuse équation.
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