Obama, prix Nobel et superstar

Billet radio pour la Première (RTBF), 13 octobre 2009

C’est peu dire que l’attribution de la plus prestigieuse récompense politique au tout frais élu président Obama a surpris la planète. Le principal intéressé a lui-même a compris le piège, en masquant à peine son embarras, et en estimant même qu’il ne méritait pas son prix, mais sans pour autant le refuser – ce qu’il aurait très bien pu faire.

Barack Obama prix Nobel de la paix aussi vite, c’est l’écrasement définitif de la réalité par le symbole. Le président américain s’était fait élire en partie sur sa biographie, sur ce qu’il est : un métis, quelqu’un qui a voyagé, étudié, appris, qui sait que le monde n’est pas manichéen –  et c’est cela entre autres qui a rendu sa victoire porteuse de tant d’espoirs. Mais n’est-ce pas ici le symbole de trop, celui qui risque de faire d’Obama une telle icône qu’il se dématérialise et ne soit plus que cela ? Comment le choc avec la réalité peut-il à présent être évité ?

Très clairement, le comité Nobel a choisi une posture d’acteur et non plus d’observateur. Nous ne sommes plus dans une configuration de récompense supposée sanctionner des actes passés, mais dans celle où c’est la reconnaissance elle-même qui devient acte politique. Je vois un précédent récent du même style: l’attribution en 2004 de la Palme d’Or du Festival de Cannes au film « Farenheit 911 » de Michael Moore, par un jury qui assumait que ce choix n’était pas basé sur une comparaison des mérites des films en compétition, mais bien sur le message politique que constituait la distinction elle-même. De même, l’attribution du prix Nobel de la paix 2009 n’est pas commémorative mais performative, elle tend à impacter le réel et non à en fournir une grille de lecture. Cela pose question, mais ce n’est pas forcément un problème. C’est peut-être le symptôme d’une époque d’information mondialisée, gouvernée par l’effet papillon. Un monde dans lequel il est de plus en plus dur de se retrancher dans la stature douillette d’observateur et de se préserver de l’action.

Ce que le comité Nobel vient de prouver, finalement, c’est que Newton avait raison ; en toute situation, l’observateur fait partie du champ de l’expérience. L’objectivité absolue n’existe pas. Or, on le sait, c’est sur ces considérants-là que la physique moderne allait prendre le chemin de la relativité. Espérons donc qu’à force de se faire acteur, l’observateur n’en vienne pas à dévaluer trop vite le mérite de toux ceux qui, dans l’ombre, font avancer la paix à petits pas discrets.



Catégories :Chroniques Radio

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