« Abstention, piège à… » (25 mai 2010)

D’habitude, le monde politique ne se préoccupe pas trop de devoir convaincre les gens de se rendre aux urnes, parce que le vote en Belgique est obligatoire, et qu’on se repose généralement sur cette obligation comme sur un acquis. Ce qui a changé, c’est d’abord que les contrevenants à cette fameuse obligation ne sont, dans les faits, que rarement poursuivis et que ça, grâce aux nombreuses élections passées, ça commence à se voir et à se savoir. Ensuite, il y a une vraie exaspération du public, non seulement vis-à-vis de ces élections dont presque personne ne voulait, mais aussi face à un sentiment de non-prise en charge par le politique et qui, à tort ou à raison, convainc les gens de manifester réellement leur agacement.

Or, à force de répéter à tout va que voter c’est obligatoire, on a un peu oublié de dire à quel point c’était surtout une chance. Alors, puisque ces arguments moralisateurs ne suffisent plus au regard des blocages actuels, rappelons-nous donc ce bon mot de Churchill : la démocratie ce n’est le meilleur des systèmes ; c’est le pire excepté tous les autres. En effet, le premier mérite de la démocratie, ce n’est pas d’offrir un gouvernement qui représente le peuple; il y aura toujours une distance entre gouvernants et gouvernés, et il y aura donc toujours de la déception. Non. Le premier mérite de la démocratie c’est de protéger de l’arbitraire et de pouvoir faire en sorte que ce ne sont pas toujours les mêmes qui gouvernent. Si on ne joue pas le jeu de cette démocratie, même imparfaite, même énervante, alors, effectivement, on aidera les loups à constater qu’elle ne marche plus, et on favorisera à terme des alternatives bien moins réjouissantes.

La sagesse sortant parfois de la bouche des enfants, je ne résiste pas à vous citer ce cours extrait de la bande dessinée Calvin et Hobbes, vous savez, ce petit garçon qui philosophe de temps à autre avec son tigre imaginaire. « Quand je serai grand, dit Calvin, je ne lirai pas le journal, je ne m’intéresserai pas aux grands problèmes et je n’irai pas voter. Comme ça, je pourrai me plaindre de ne pas être représenté par le gouvernement. Et quand tout ira de travers, je dirai que le système ne fonctionne pas et justifierai ainsi mon absence de participation ». « C’est un projet ingénieux », réplique Hobbes. « C’est bien plus drôle de critiquer les chose que de les améliorer », conclut Calvin.

Tout est là. Ne pas voter, ce n’est pas simplement punir les méchants politiques : c’est surtout se priver du droit de se plaindre et c’est se dédouaner de toute responsabilité pour tout ce qui ne tourne pas. Certains disent que l’abstention, ce n’est pas civique ; mais en vérité, l’abstention, c’est surtout trop facile.



Catégories :Chroniques Radio

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