En France, le ministre de l’identité nationale et de l’immigration, Eric Besson, a en effet ouvert un large débat sur la définition même de ce que recouvre l’identité nationale française. Reconnaissons-le, voilà une question qui au fond met mal à l’aise un peu tout le monde. La gauche, notamment, ne se prive pas pour dire tout le mal qu’elle en pense, même si elle n’est pas la dernière à mobiliser les symboles nationaux – souvenons-nous de Ségolène Royal et de ses drapeaux. Tout le talent de Besson consiste à ne pas proposer une définition de l’identité nationale, mais d’ouvrir le débat et d’y inviter tout le monde. Et évidemment on ne peut pas reprocher l’ouverture d’un débat sans paraître craindre ce qui peut en ressortir. Certes, ne soyons pas naïfs, c’est aussi une manière de mobiliser un électorat populaire, parce que dans un monde de chaos, on se raccroche à ce qui est proche, et qu’entendre parler d’identité nationale, même si c’est pour ne rien en dire, ça rappelle que la nation existe et ça rassure toujours un peu.
Ce qui est intéressant ici, c’est que le fait d’oser parler d’identité nationale apparaît toujours comme une fermeture, même lorsque cela se fait dans un mouvement d’ouverture. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de définition sans exclusion ; dire demain ce qu’est être français, par exemple, c’est forcément dire ce qui ne l’est pas. C’est aussi ouvrir une boîte de Pandore parce que les identités qu’on tente de positiver, en réalité, se sont forgées dans la douleur, celles des guerres, des révolutions, d’une histoire violente. Pour le dire autrement ; si des nations se sont édifiées au fil des siècles, c’est précisément pour mettre fin aux conflits privés des individus qui se faisaient la guerre parce qu’ils ne partageaient rien ; la nation, c’est un couvercle minimal sur le chaos de nos identités particulières, ça sert à clore la discussion. Et dès que quelqu’un veut la rouvrir nous nous sentons mal à l’aise, comme si le désordre de nos identités singulières allait rejaillir et nous empoisonner l’existence. Car sous les couvercles nationaux, en vérité, les identités se recomposent en permanence, se transforment à une vitesse que nous ne percevons même plus.
Alors, plus que le contenu de l’identité nationale, c’est donc davantage l’initiative elle-même et ses réactions qui sont révélatrices : révélatrices de la peur qui reste la nôtre vis-à-vis du temps qui passe, de ce qui change, de notre manque de contrôle. Au fond, les appels incantatoires à la nation, la religion, la culture, ne sont peut-être que les manifestations de nos angoisses séculaires. Mais il serait surprenant qu’ils en soient le meilleur médicament.
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