J’ai du bon tabac, tu n’en auras pas (4 janvier 2010)

Ce 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la nouvelle loi sur l’interdiction de fumer dans les cafés et restaurants. Alors en gros, comme vous le savez, c’est interdit pour les établissements proposant à manger, et on nous promet une interdiction générale pour 2014, alors qu’on l’avait promise pour 2012. Ce report n’a pas manqué de décevoir les partisans de la lutte anti-tabac.

C’est un vieux débat, qui mobilise santé publique, économie et liberté individuelle.  La loi était-elle nécessaire ? De toute évidence, oui. Pour rappel, 2.200 personnes décèdent chaque année en Belgique du tabagisme passif ; d’un point de vue éthique, il est évident que c’est là une situation dans laquelle la liberté des uns ne peut constituer un argument suffisant contre la santé des autres. Il est cohérent que, peu à peu, la cigarette soit bannie des lieux mixtes et clos où fumeurs et non-fumeurs se côtoient, à commencer par le lieu de travail.

Pourtant, le report à 2014  s’agissant du secteur horeca est dommageable, parce qu’il maintient un flou et une incertitude qui ne rend service à personne. L’interdiction totale et immédiate aurait été plus logique ; dans les pays où elle survient, on constate que certes, les cafés sont d’abord désertés par les fumeurs pur sucre, mais que cette clientèle est ensuite remplacée, en partie, par des personnes qui ne fréquentaient plus les cafés depuis longtemps parce qu’il s’agit, précisément, d’endroits enfumés. En quelques années, donc, il est fort à parier qu’on aurait vu se développer une autre sociologie du café, fréquenté par une populations nouvelle, et où les fumeurs eux-mêmes, en consentant simplement à aller s’en griller une dehors lorsqu’ils sont en manque, auraient eu toute leur place.

C’est que, même si cela hérisse nos réflexes individualistes, le fait que les lois contribuent à changer les mœurs est une réalité, et c’est sur le long terme qu’on s’en rend compte. Les moins de vingt ans, aujourd’hui, trouveraient à peine croyable d’apprendre que jadis on pouvait fumer dans les cinémas. Rappelons-nous aussi des avions divisés en sections fumeurs et non-fumeurs, séparés par un touchant petit rideau qui allait stopper la méchante fumée. Tout cela semble impensable aujourd’hui, et personne ne songe à revenir en arrière. De la même manière, l’interdiction totale dans l’horeca retardée (ou ajournée sine die, nous verrons), est une occasion manquée, celle qui aurait pu, tout en préservant les enjeux de santé publique, créer une nouvelle vie pour de nombreux établissements; c’est moins le bannissement des fumeurs qui est en jeu que le retour au café de toutes les strates de la population. Au lieu de ça, nous sommes partis pour environ quatre années d’incertitudes d’application, de concurrence entre cafés, bref de mélange des genres. Il est des circonstances, décidément, où couper la poire en deux laisse tout le monde sur sa faim.



Catégories :Chroniques Radio

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