Billet radio pour la Première (RTBF), 8 février 2011
C’est bientôt la Saint-Valentin, époque bénie où les fleuristes et les chocolatiers vont pouvoir faire un peu de marge sur la mauvaise conscience de celles et ceux qui ont quelque chose à se faire pardonner.
Oui, je sais, vous allez me dire que je suis cynique… Mais franchement, la Saint-Valentin, c’est LA fête culpabilisatrice par excellence. Pour les célibataires, c’est le calvaire du gros doigt de la société qui vous demande ce que vous fabriquez encore tout seul ou toute seule, alors que vos amis, messieurs, ont rangé depuis longtemps leurs plans pizzas/bières pour la vie de couple bien rangée et la layette, ou que vos cousines, mesdemoiselles, sont déjà toutes mariées depuis longtemps à de pompeux bellâtres. Pour les couples tangents, la Saint-Valentin est le moment du doute, du questionnement que l’on refoule le reste de l’année (« au fond, qu’est-ce que je fabrique avec cette personne ? »). Seuls les couples soudés, qui font la fête tous les autres jours, passent à travers comme dans du beurre. En fait, les seuls qui vivent bien la Saint-Valentin sont ceux qui n’en ont pas besoin.
La Saint-Valentin, c’est une gigantesque tentative d’exorcisme de la société de consommation face à cette réalité crue, irréductible : le couple, en fait, ça ne marche pas. Déclarer à quelqu’un qu’on va l’aimer tout le reste de sa vie, c’est beau mais c’est de la folie furieuse. Ce qui marche, ce sont les histoires. Et, hélas, les statistiques le prouvent : plus d’un mariage sur deux finira en divorce. Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’y a pas que les couples mariés trop vite à leurs premières tâches de rousseur et déchirés par la crise de la quarantaine et autre démon de midi qui se vautrent. Les jeunes couples se ramassent à la pelle, assez vite, après une période en général de trois ans, qui est le pic de divorce. Beau problème de génération et de civilisation : sur le plan générationnel, ça fait peu de temps que nous pouvons choisir qui nous aimons… et cette liberté, souvent, nous tétanise. Entre nos grands-parents et arrière-grands-parents, qui souvent n’ont pas trop choisi leur partenaire et ne l’ont jamais quitté, entre nos parents qui se sont libérés et ont souvent refait leurs vies, nous sommes une génération qui a des mœurs tellement libérées que nous essayons d’éviter de trop nous consommer les uns les autres.
Trois ans de moyenne… moi ça me donne idée. Au fond, ce qui fait foirer nos histoires, c’est le sentiment d’enfermement. Une fois mariés, on ne se bat plus pour garder l’autre. C’est fait. Alors pourquoi ne pas proposer la possibilité de se marier par contrat de bail ? On fait un trois-six-neuf, quoi. Et au bout de chaque période de trois ans, il faut que les deux partenaires soient d’accord pour continuer. Vous imaginez le défi ? Plus question de se reposer sur ses lauriers de conquête, plus question de se réfugier dans ses pantoufles, vous devez vraiment conquérir l’autre en permanence. Et tous les trois ans, au lieu d’un resto de Saint-Valentin aux chandelles, empaquetés avec dix autres couples sans imagination, vous faites une fête, une vraie, du feu de Dieu, genre fiançailles perpétuelles, pour montrer à la ville et au monde que non seulement vous vous aimez mais que ça dure. Et à ceux qui me répondront que c’est dénué de tout romantisme, je réponds que je veux bien prendre les paris : de tels mariages dureront plus longtemps que les mariages-forteresses, parce qu’ils investissent sur ce qu’il y a de plus beau en l’homme et ce qui lui tire le meilleur de lui-même : ses envies, ses combats, ses émotions et non ses peurs, ses besoins de base ou sa routine.
Allez, bonne fête quand même.
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