Humeur – 4 mai 2012
« François Hollande, président de la république ? On rêve ! ». La formule est attribuée à Laurent Fabius, en 2011. Etrangement, elle fait un peu moins rire aujourd’hui.
L’histoire le montre : les débats d’entre-deux tours ne changent rien au résultat final. Quelle que soit l’issue du scrutin du 6 mai, il est inutile d’espérer la déceler dans les échanges du 2 mai.
Ce qui marque toujours la postérité, en revanche, ce sont les répliques choc, ou les moments-clefs où la situation bascule. Il y a eu au moins un moment de ce genre : la longue tirade de 3 minutes 22 secondes de François Hollande sur les variations du thème « Moi, président de la république ». C’est à l’agacement et aux tentatives de raillerie du camp adverse que l’on mesure à quel point ce discours a pu faire mouche. Mais si la formule marque les esprits, c’est moins par son contenu propre que par l’absence de réaction de l’opposant. Durant ces trois minutes, Nicolas Sarkozy n’a offert comme riposte que le silence, s’abstenant d’interrompre, de scander ou de railler la litanie. François Hollande a pu dérouler tranquillement son tapis de bombes, affirmant à chaque strophe une critique acerbe du pouvoir en place, dans un silence royal.
Le résultat est sans appel : ce silence a habillé sa déclaration, qui eût pu en effet basculer dans le ridicule, d’un aura d’honorabilité et de crédibilité inespéré. Quand on n’interrompt pas un discours aussi construit, pensons-nous tous inconsciemment, c’est qu’il frappe juste. Le silence vaut caution. Ce qui a semblé long aux militants de l’UMP, ce n’est pas tant le seul-en-scène de Hollande que le silence de leur champion, qui est inévitablement enregistré comme une forme de résignation.
Pourquoi l’a-t-il laissé faire, d’ailleurs, le président sortant ? Quand on lui pose la question, il tente aujourd’hui de faire croire qu’il trouvait la formule ridicule et qu’il souhaitait laisser s’enfoncer son adversaire, interprétation que la cour qui l’entoure validera. Mais la véritable explication est plus simple : comme l’ensemble des spectateurs, Sarkozy n’a pas imaginé un instant que Hollande allait se lancer dans un discours de plus de trois minutes, sur un ton répétitif construit pour marquer les esprits. Il ne l’a pas vu venir.
Parce que François Hollande, telle est son arme secrète : on ne le voit jamais venir. Quoiqu’on pense du personnage, c’est la constante qui s’affirme dans cette campagne : ils l’ont tous sous-estimé, la tortue partie depuis plus d’un an. Tous. De ses plus proches « amis » à ses pires ennemis. Il a transformé en force une « normalité » qui, paradoxalement, aurait sans doute été fatale face à un autre adversaire moins hyperactif et haï que l’actuel président. Et il en a tiré une force qui, au bout de la course, aura dépassé par surprise les lièvres les plus galbés.
Non, personne ne l’a vu venir. Et c’est ainsi que « fraise des bois » se retrouve presque président.
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La hauteur des chaises a été retouchée sur la photo mais bon quelle importance ?
Tu sembles associer ce débat à la fable « le lièvre et la tortue »….je l’associerai à cette autre fable : « le savetier et le financier »…nous jouons ici dans les gradations du pire: le moins pire gagnera ! la « Rolex », même arrêtée, donnera deux fois la bonne heure par jour…la « Fraise des bois » n’aura jamais la saveur d’une fraise de Wépion, hélas ! dommage aussi que la destinée d’un peuple dépende d’une « mercatique » basée sur la psychanalyse de masse. Bouddha disait que la vie est un rêve…c’est pas demain que l’on va se réveiller si c’est pour constater les dégâts ! » Moi, si j’étais Prés…, euh, Responsable », j’irai d’abord voir là où se trouve les véritables valeurs; peut-être dans cette expression : « UBUNTU » qui dans la culture Xhosa signifie: « Je suis parce que Nous sommes ». Allez! je reste dans mon Rêve…..
Selon moi il y a équivoque sur la « normalité » de François Hollande. « Normal » ne signifie pas « ordinaire ». C’est plutôt le fait d’être conforme à une certaine idée de ce qu’est traditionnellement un Président français sous la Vème République : un arbitre, qui a certes des convictions, mais dont le rôle fondamental est de présider « au-dessus de la mêlée ». Par son « hyperprésidence » de « droite décomplexée », Nicolas Sarkozy a rompu avec cette tradition. Oui François Hollande veut être un Président « normal », mais il n’est sûrement pas « ordinaire », comme a tenté de le démontrer, sans succès, son adversaire.
Christian attire l’attention de François (De Smet, s’entend..) et celle de ses lecteurs sur ces citations (de François Hollande, naturellementà pour le moins de circonstances…
Extrait de « maintenant » d’Edwy Plenel (Médiatpart) ce 9.5.12
Plenel s’adresse à Holande :
Interpellé par Mediapart sur l’usage immodéré du « je » dans la déclinaison de votre programme présidentiel, vous aviez mis cette concession sur le compte d’une posture électorale, affirmation d’une autorité personnelle face à votre adversaire qui la mettait en doute, par contraste avec son hypertrophie égocentrique et égotiste. Mais sur le fond, nous aviez-vous répondu, vous ne retiriez rien de ce que vous m’aviez répondu, en 2006, dans un livre de dialogue, intitulé à votre demande Devoirs de vérité .
(…) vous ne vous faisiez pas prier pour critiquer « cet usage répété du “je” plutôt que du “nous”, la mise en scène de sa personne comme une offre politique à elle seule, ce narcissisme érigé en doctrine qui identifie le pouvoir à celui qui le désire le plus ».
« Le problème en France, insistiez-vous encore, c’est que l’on a sanctuarisé le pouvoir et celui qui l’exerce au sommet de l’Etat. (…) Nous faisons comme si la majesté du pouvoir était la majesté du peuple. Elle n’est hélas que le vestige d’un ordre ancien. »
Hum, voilà qui devrait intéresser l’auteur du « Tiers autoritaire »..