Billet radio pour la Première (RTBF), 23 octobre 2012 – Ecoutez le podcast
Un constat s’impose dans le second tour de ces élections communales: il n’y a plus d’alliance privilégiée. Nulle part. Il n’y a plus d’axe idéologique préféré, plus de mot d’ordre violet, rouge-romain ou autre olivier. Tout le monde peut se lier avec tout le monde. Cela n’est pas nouveau mais prend des proportions impressionnantes.
A bien y regarder, le mouvement vient de loin. Souvenez-vous. Le PS avait lancé le signal en 2004, lors des premières élections régionales découplées depuis 1999 : il s’allie alors au CDH – avec Ecolo à Bruxelles – tout en continuant à travailler avec les libéraux au fédéral. Message : « Moi PS, et moi seul, je peux gouverner avec tout le monde, je suis donc au centre du jeu ». Certes. Seulement, en démontrant qu’il peut collaborer avec tout le monde tout en consacrant l’asymétrie entre niveaux de pouvoir (même si déjà testée en Région bruxelloise depuis 1995), le parti dominant a contraint les autres à entrer dans une logique ou, à moins de rester ses vassaux, toutes les combinaisons ont dû devenir possibles et où les frontières idéologiques entre partis subsistent mais n’ont officiellement plus d’importance en coalition. Leçon bien apprise : les liens MR-Ecolo se sont multipliés dès 2006 de Amay à la province du Brabant wallon, et le CDH, qui n’avait déjà que peu de problème à gouverner avec tout le monde, a vu son rôle antique de parti pivot revitalisé à tous les niveaux de pouvoir (la preuve, il est partout). Que tout ait été possible, on l’a senti ensuite en 2007 comme en 2009 – le PS a alors habilement évité le boulet en bipolarisant à contre-courant la campagne dans la dernière ligne droite à coup de « bains de sang social » et de « crise libérale ». En 2012, la défenestration du stratège bruxellois Philippe Moureaux à Molenbeek par les trois autres partis réunis est donc un symbole fort qui consacre que les élèves ont rejoint le maître. Il n’est pas sûr qu’un acte aussi culotté eût pu se produire avant – au temps des convergences de gauche, par exemple.
Or, si on peut se féliciter que les partis se soient tous affranchis les uns des autres, cette balkanisation idéologique a aussi son revers de médaille. Dans un scrutin proportionnel aussi ouvert, l’alternance réelle reste souvent une chimère, à quelques exceptions près. Un peu partout, le sentiment d’alternance n’est approché que par la mise au placard d’un partenaire. On ne s’allie pas pour un projet, mais contre un parti. Quelles sont les questions de la campagne ? Comment gérer la commune. Quelles furent les questions de l’après-campagne ? Qui est mon ami, qui m’a fait le plus sale coup, de qui vais-je me venger. Significatif du poids croissant de l’arrière-cuisine de parti : ce qui était encore jadis l’exception devient la tendance qui monte. De Louvain-la-Neuve à Molenbeek en passant par Boitsfort, il n’y a plus aucun scrupule à jeter le premier parti dehors, parce qu’il paraît que « la démocratie c’est aussi le changement », comme dirait le co-président d’Ecolo, parti définitivement devenu comme les autres.
Le problème, c’est qu’en nous montrant si ostensiblement qu’ils peuvent tous s’allier sans vergogne, les partis politiques nous envoient un autre message, tout aussi risqué, et qui mettra lui aussi plusieurs années à sortir tous ses effets : au fond, ces partis sont tous interchangeables. Ce constat risque fort de frapper le subconscient de l’électeur. S’il n’y a plus d’axe privilégié, si je n’ai aucune manière de deviner avec qui le parti pour que je vais voter va s’allier, si l’identité idéologique cesse d’avoir la moindre importance dès le lendemain des élections, où trouver la motivation d’aller voter ? Dans ce grand souk, on ne peut s’empêcher de se dire que l’électeur est infantilisé comme une brochette de bambins devant un spectacle de marionnettes. Les partis doivent y prendre garde.
Il ne manquerait plus qu’une ministre de la Justice proclame que l’abstention ne sera pas poursuivie pour compléter le sentiment de café-concert. Décidément, comme dirait Souchon, « il faut voir comme on nous parle ».
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Ce seront les petits partis qui bientôt feront la loi … le PTB rentre en lice !
Notre système politique ne nous permet que des projets réalisables en quelques années mais pas sur plusieurs générations. Il faudrait pouvoir prévoir une catastrophe mondiale pour arriver à coordonner toutes les Nations à un objectif essentiel : notre survie dépend de notre capacité à se comprendre…( le protocole de Kyoto est un essai timide )
L’image qui me vient, c’est l’enfant qui joue dans son bac à sable sans voir la marée qui monte inexorablement …Maeterlink disait déjà : « L’homme est une fourmi aveugle qui tâtonne sur les bord de son nid en échafaudant des théories qui n’ont de sens que pour lui-même »
La video est bonne….cela nous change de l’humour (???!!!) de Didier Comment Encore…