Je faisais partie de ceux qui, sincèrement, doutaient de voir cela de leur vivant : la N-VA a livré un programme communautaire osant définir ce qu’elle appelle le confédéralisme. Ce seul énoncé est étonnant, en effet, tant le succès de ce parti nationaliste s’est durablement bâti sur l’ambiguïté de l’ampleur de ses intentions. Certes, le parti est indépendantiste, comme l’énoncent clairement ses statuts ; mais résolu à brasser large, et conscient que nombre de ses électeurs ne sont pas séparatistes, le parti de M. De Wever avait jusqu’ici élégamment entretenu le flou, servant à qui veut du socio-économique ou du communautaire selon le moment ou l’interlocuteur, et tentant de lier les deux dans l’idée, en gros, que de toute façon un programme socio-économique de droite ne peut être appliqué avec des francophones qui seraient condamnés par on ne sait quelle malédiction au PS.
Un programme clair de confédéralisme ? A bien y regarder, l’exercice proposé ne fait que déflouter la photo. Pas de solution sur Bruxelles, simplement un choix de loyauté auquel se résigner entre deux sous-nationalités. Un Etat fédéral croupion, qui ne dupe personne ; la vision « idéale » de Bart De Wever n’est rien d’autre qu’une Belgique sans Belgique. Les membres de la N-VA sont peut-être les plus dignes représentants d’un surréalisme bien belge. Faut-il dès lors, comme Marcel Sel, se réjouir d’une certaine clarté sur les intentions qui joue à « quitte ou double » ? La N-VA prend en tout cas un premier vrai risque – et il faut le lui concéder. Le calcul est d’autant plus délicat que le parti a déjà fait le plein des voix nationalistes disponibles (ceux qui restent au Vlaams Belang malgré le succès de la N-VA sont fanatiquement irrécupérables), et on aurait pu imaginer que, à l’image des sorties de Siegfried Bracke, et dans le droit fil de son programme socioéconomique annoncé à peine deux jours plus tôt, le parti de M. De Wever parie plutôt sur une posture socioéconomique de nature à rafler les résidus de l’électorat de l’Open VLD et d’une partie du CD&V. Erreur. Finalement, retour sur le communautaire, tel le scorpion en voyage sur le dos de la grenouille, et qui ne peut pas agir contre sa nature. Ici, l’attaque est si rude qu’elle ne crispera pas seulement les partis francophones mais posera sérieusement la question de la compatibilité avec les visions de la Belgique des autres partis flamands.
Tel est bien le problème. Le pas proposé est tellement énorme qu’il ne peut, rationnellement, pas avoir pour objectif d’être réalisé. Les réactions l’indiquent, en ce compris dans les rangs flamands : ce programme va beaucoup trop loin pour servir de base, même dilué, à des négociations. Il faut tester donc une autre hypothèse : ce programme est un piège.
Un piège sous la forme d’un chiffon rouge agité devant les francophones. Bien sûr, ce programme ne leur est pas destiné ; c’est l’électeur flamand qui est sollicité. Mais il était évidemment impossible aux partis francophones de rester de marbre lorsque le premier parti flamand entend laisser trois ou quatre compétences au fédéral, supprimer la région bruxelloise, créer des sous-nationalités dans la capitale. L’indignation est automatique, presque pavlovienne – car il devient, à présent, impossible d’être le complice francophone d’un parti qui franchit le Rubicon aussi nettement. Mais cette indignation, si possible unanime, est aussi souhaitée par la N-VA. Le premier carburant de ce parti n’est pas fourni par ses idées, mais par le fantasme de l’immobilisme wallon qui empêcherait la Flandre de se gouverner comme elle le voudrait. Un parti qui croît aussi rapidement et qui tient entièrement sur les épaules de son chef doit sa force à l’émotion davantage qu’aux idées. Or, en frappant aussi fort dans le registre communautaire, la N-VA a choisi d’aller à une confrontation dont elle espère qu’elle polarisera, rapidement, les forces en présence entre deux pôles : elle-même comme représentant de la Flandre dynamique contre tous les partis francophones réunis, supposément affidés de près ou de loin à un PS diabolisé à bon marché.
C’est aux francophones de ne pas tomber tête baissée dans le piège. Alain Gerlache, en néerlandais dans le texte, a raison de souligner que le mérite de ce programme impossible est d’enclencher une dialectique qui va forcer les partis francophones eux-mêmes à définir la Belgique dont ils veulent. Ce serait là un projet intéressant : au lieu de voir des présidents de parti se contorsionner pour expliquer que le transfert de la gestion des allocations familiales bruxelloises à la commission communautaire commune est une nouvelle formidable, on pourrait les écouter nous peindre une Belgique qui fonctionnerait, même remodelée, même à quatre Régions, même avec des forces centrifuges tel une circonscription fédérale.
Histoire que les francophones, vis-à-vis des Flamands, se retrouvent demandeurs d’autre chose que d’argent. Juste une fois. Juste pour voir ce que ça donne.
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Tout ce qui est excessif, est insignifiant…Il faut retenir que Wallons et Bruxellois francophones, nous devons aussi prendre en main notre destin commun…
J’ai bien peur que le jeu des politiques, ne reste qu’un jeu … dont la victoire sera celle de ceux qui …
comment l’électeur flamand réagira t-il ?
peut-être se disent-ils que pour être allés si loin, ils ne peuvent reculer …
Nous savons combien ce serait absurde de débattre même de ce projet … mais nous sommes Nous, ils sont Eux …Et plus nous irons, plus ils revendiqueront … plus nous nous opposerons plus ils se radicaliseront …
Rendez-vous au lendemain des élections, et Nous saurons !
Il est évident que les franchhones n’ont pas de projet politique autre que celui de résister, en vain, à la Flandre.
Ils doivent maintenant le faire.
Vous croyez vraiment que les parti francophones vont présenter une vision claire et lucide de leur vision de la future Belgique ?
Bien sûr que non.
Leur programme ne sera qu’un programme contre celui de la NVA et non pour une un nouvel état. Ils vont foncer tête baissée dans le chiffon rouge : c’est tellement plus simple et tellement plus rentable électoralement.
Ils ont eu 40 ans pour expliquer que la sidérurgie liégeoise et wallonne telle qu’elle existe ne peut plus être rentable. Ils ont eu 40 ans pour proposer une reconversion des bassins industriels qui ne devait pas nécessairement exclure la sidérurgie mais sans doute l’orienter vers des produits de niche de très haute technologie et à haute valeur ajoutée.
Et ça c’est du pipi de chat comparé au dessin d’un nouvel état…
Je pense également que les discours brasseront l’indignation convenue habituelle et agiteront les phrases creuses sans aucune surprise. C’est assez désespérant, je me demande ou se trouvent ceux qui ont encore des convictions innovantes mais bien construites, car ils doivent bien exister quelque part. Qui leur donnera une tribune suffisamment importante pour qu’ils soient entendus par plus que quelques curieux ?
Des fois je me prends aussi à rêver que la RTB propose à une heure de grande écoute, une véritable réflexion sur l’avenir de ce pays, précédée d’une analyse aussi honnête que possible de la situation réelle. (Sans inviter la cohorte de professionnels de la langue de bois politicienne, cela va sans dire) Oui, je suis certaine que cela intéresserait pas mal de monde de comprendre qu’il existe d’autres directions à prendre avant d’arriver au cul de sac. Même si ces voies ne sont pas les plus faciles d’accès…