Le néerlandais d’Elio et la démonétisation de l’État fédéral

Billet radio pour la Première (RTBF), 29 novembre 2011 – Ecoutez le podcast

Au fond, Elio Di Rupo pourrait envoyer des fleurs à la NVA.

C’est grâce au succès de ce parti que le président du PS, francophone, se retrouve leader de la principale famille politique du pays. Grâce à la NVA, qui a asséché tous les partis traditionnels, plus aucun parti flamand classique n’est en mesure de prétendre à ce poste. Et comme les nationalistes n’ont par définition pas de pendant francophone, ils ne pèseront jamais autant qu’une famille politique fédérale.

Encore plus rigolo : tant que la NVA aura son poids actuel, les futurs premiers ministres de ce pays seront tous francophones, pour les mêmes raisons. La conjugaison du succès et de l’intransigeance des nationalistes flamands augmente l’influence des francophones dans l’État fédéral.

Paradoxal ? Non. Planifié, par la NVA elle-même. Cela participe de son dessein de démonétisation de l’État fédéral. Explications.

Même ceux qui chantaient sur tous les tons il y a moins de six mois qu’un gouvernement sans les nationalistes était impossible sont maintenant d’accord : la NVA ne veut pas gouverner au niveau fédéral, et ne l’a fort probablement jamais voulu. Elle est psychologiquement incapable de travailler à ce niveau sans se trahir elle-même. Elle ne s’est pas investie dans des négociations dont elle n’avait comme seul but que de se faire éjecter. Car la NVA n’assume rien. Pas même ses victoires.

Il faut la comprendre : ce n’est pas son truc. Le but de la NVA n’est pas de gouverner, mais de montrer que le niveau fédéral est ingouvernable. Le but de la NVA n’est pas de créer des ponts nouveaux, mais de démolir ceux qui subsistent. Le but de la NVA est de marteler qu’il n’y a pas une, mais deux démocraties en Belgique, en conférence diplomatique permanente. Pourquoi voudriez-vous qu’elle se fatigue à faire fonctionner un modèle dont elle entend prouver l’obsolescence ? Elle n’aurait fait que se tirer une balle dans le pied. La vérité de la crise, c’est que sur 500 jours il a fallu en consacrer 400 à déscotcher les autres partis flamands de la NVA. Le reste, au-delà des rapports de force, ne fut que crisettes et psychothérapie de groupe.

Un gouvernement fédéral est quasiment sur pied. On est donc content. Bart De Wever aussi est content : il va pouvoir tirer à vue depuis le balcon. Et il est tout particulièrement content d’avoir un premier ministre francophone parlant néerlandais « en légos » comme dirait Bert Kruysmans. Car voyez-vous, Bart veut convaincre rationnellement que la Flandre c’est une chose, et que la Belgique c’en est une autre. Alors, vous pensez ! Un premier francophone qui ne parle pas le néerlandais, quoi de plus rêvé pour ressusciter les soldats sacrifiés des plaines de l’Yser. Que demander de mieux pour montrer que, comme la famille royale honnie, le Premier de Belgique n’appartient pas à la Flandre – au mieux par incompétence, au pire par mépris. Qui de mieux à pointer du doigt pour montrer que la Belgique est décidément devenue trop différente de la Flandre. Il ne manquerait plus que ce même premier porte un nom exotique ou soit socialiste.

Elio premier, c’est une partie du plan de Bart pour démonétiser l’État fédéral aux yeux de « sa » Flandre. Ne l’oublions jamais. Le principal intéressé le sait pertinemment. Mais sans doute espère-t-il, comme moi, que Bart se trompe. Qu’il se trompe sur l’ouverture du peuple flamand, d’abord, qui reconnaîtra probablement Elio comme chef de gouvernement plus facilement qu’on ne le pense – car la popularité, comme l’amour, c’est irrationnel et on se retrouve régulièrement à aimer ce qui est différent de nous. Qu’il se trompe ensuite sur la propre capacité de Di Rupo, transcendé par l’enjeu, d’en finir avec ce qui est, aujourd’hui, le dernier obstacle sur sa route.

Jamais, depuis le roi Georges V et son bégaiement, la maîtrise d’une langue par un seul homme n’aura eu autant d’importance politique. Alors, Monsieur le Presque Premier, même si je ne me souviens pas avoir voté pour vous, oui, je l’avoue : qu’est ce qu’il me plairait que vous répondiez à Siegfried Bracke à la Chambre dans un néerlandais meilleur que son français. Qu’il me plairait que vous deveniez plus populaire à Borgerhout qu’à Nimy, ne fût-ce que cinq minutes. Car ce jour-là alors, et ce jour-là seulement, Bart aura définitivement perdu.

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2 réponses

  1. Car ce jour-là alors, et ce jour-là seulement, Bart aura définitivement gagné.

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