Afghanistan – Intervention en commission – 26 août 2021

Monsieur le président,

Mesdames et messieurs les ministres,

Chers collègues,

Merci pour vos interventions sur cette catastrophe que constitue le retour d’un régime obscurantiste et moyenâgeux en Afghanistan.  

Sur la sécurité et les renseignements, il faut en effet se rendre à l’évidence; nous avons été surpris parce que nous avons trop appris à nous reposer sur les services de renseignements alliés, en particulier américains, et avons été soumis finalement au tempo imprimé par le retrait des Etats-Unis. Les Européens doivent en tirer des leçons majeures sur l’organisation de leur défense et de leurs services de renseignements. Et ils doivent plus que jamais se prendre en main.

Sur les évacuations

Vous nous avez décrit les évacuations actuelles, et je veux à mon tour remercier tous les militaires, fonctionnaires et diplomates ayant permis ce résultat. Mais il reste visiblement sur place des personnes ayant besoin de nous. Des Belges – mais combien ? je me pose aussi la question – et des personnes ayant aidé notre pays. La crainte d’un attentat était pleinement justifiée puisque pendant notre réunion une explosion a eu lieu près de l’aéroport de Kaboul, et je pense moi aussi aux victimes qui semblent hélas nombreuses. Mais dès lors la question s’impose plus que jamais: de quels moyens disposent ceux qui veulent encore rentrer ? Comment allons-nous sortir de ce pays ne serait-ce que celles et ceux qui s’inscrivent dans les quatre catégories que vous avez définies ?

Au sujet de la reconnaissance du régime…

Je pense que la communauté internationale, et en particulier l’Europe, se doivent de porter un message sans aucune ambivalence. Or de l’ambivalence il y en a parfois eu dans les mots de la majorité. Il paraît qu’il faudrait laisser une chance aux talibans. Ou qu’il faudrait attendre et voir. D’autres voix, plus fermes, se sont heureusement fait entendre au sein de la majorité. Et pour cause. Parce que:

Non. On ne laisse pas de “chance” aux talibans, car eux n’en laisseront aucune à leur population.

Non, il n’est pas trop tôt pour définir une attitude face à ce régime. A moins de ne rien avoir appris de l’histoire récente.

Vous nous dites que les talibans devront être jugés sur leurs actes et non sur leurs paroles. Mais enfin j’espère que personne ici n’est naïf. J’espère que personne ne pense que les talibans ont changé ? Qu’ils seraient devenus gentiment “inclusifs” comme ils s’en revendiquent eux-mêmes, ou “participatifs”? 

Qui peut imaginer ici un instant que dès que les Américains auront abandonné l’aéroport de Kaboul, une chape de plomb définitive ne s’abattra pas sur les hommes et surtout sur les femmes qui vivent dans ce pays ? Qui croit que peut exister une politique axée sur la charia compatible avec les droits acquis pour les femmes ? J’invite donc notre pays à ne rien céder à ce régime et à ne pas offrir une once de reconnaissance à ce gouvernement taliban, quitte si besoin à nous désolidariser de la communauté internationale si celle-ci cédait à la tentation de préférer le pragmatisme aux droits des hommes et surtout des femmes et des filles. 

Au sujet des réfugiés, enfin.

Etre vigilant ne doit pas empêcher d’être généreux et d’être à la hauteur de la situation humanitaire.

Cela paraît surréaliste de le rappeler: il y a quelques semaines encore, votre gouvernement refusait de suspendre les retours forcés vers l’Afghanistan. Aujourd’hui nous avons basculé dans un autre monde.

L’Europe doit être au rendez-vous. Elle ne peut pas abandonner les hommes et les femmes qui veulent fuir. Ce n’est pas une question de politique migratoire mais d’humanité. Les Européens ne peuvent pas rater à chaque fois leur rendez-vous avec les crises humanitaires.

Alors j’entends bien les quatre catégories de personnes définies. On ne peut évidemment que souscrire à la volonté du gouvernement de les secourir. Mais j’aimerais que le fil ne soit pas coupé pour les autres. Vous pouvez ne pas être belge, ne pas avoir travaillé avec une ONG, ne pas avoir travaillé avec la Belgique ou ses alliés, ne pas avoir un titre de séjour ET néanmoins avoir de bonnes, de très bonnes raisons de ne pas vous considérer en sécurité avec des talibans au pouvoir. Surtout avec une avancée aussi rapide.

Peut-on se contenter d’ouvrir nos portes à vos quatre catégories de personnes ? Ma réponse est non.

Peut-on accueillir tout seuls toute personne souhaitant fuir les talibans ? Ma réponse est non également.

Mais entre les deux existe une marge, et cette marge s’appelle politique européenne d’asile.

Je voudrais que la Belgique ait un rôle pionnier en la matière. Je voudrais que la Belgique secoue l’Union européenne, fasse émerger l’agence européenne de l’asile en gestation pour l’occasion. Les fonds AMIF, monsieur Mahdi, ce n’est pas suffisant.

Ne laissons pas sans réponse appropriée un régime qui enferme les femmes dans des prisons de tissu, qui a par le passé dispensé des châtiments corporels et qui entretient une idéologie théocratique clairement en contradiction avec les droits humains les plus élémentaires.

J’entends les efforts faits sur le plan humanitaire. Mais ce n’est pas assez. Il faut un plan européen coordonné, avec répartition d’une partie des demandeurs d’asile qui arriveront dans les pays voisins de l’Afghanistan entre pays européens de manière équitable.

Nous pouvons, nous devons mieux faire.

Nous ne pouvons pas rester, à chaque crise humanitaire, du mauvais côté de l’histoire.

Je vous remercie.



Catégories :DéFI

2 réponses

  1. Combien de fois ne nous a t’on pas rabâché les oreilles avec cette formule :  » on ne reconnait pas les Gvrt. mais les Etats  »
    Il faut distinguer la reconnaissance d’États et la reconnaissance de gouvernements. Cette distinction se fonde sur l’idée qu’un gouvernement est considéré comme un instrument au service de l’État, unité composée d’un territoire, d’un peuple et d’une autorité publique .
    Ensuite , constatons que pour 90 soldats Be sur place on estime rapatrier des centaines de collaborationnistes ce qui tendrait à vouloir dire que pour UN soldat belge en opération sur place il y avait ad-minima +/- 20 auxiliaires afghans – 👀👓
    KABOUL : Encore une affaire de fiasco annoncé et en plus on fait prendre des risques énormes à nos soldats sur place ss. équipés ( info RTBF) qui ont déjà donné en pure perte pendant vingt ans qu’ils ont dû opérer en Afghanistan et notamment à KABOUL déjà ! STOP KABOUL : alors qu’ils se rangent auprès Massoud fils , retranché dans le Panshir.; c’est leur place !
    Il a été flagrant de constater aussi combien nos Armées EU ont fait preuve de leur extrême qualification et faculté pr. évacuer : comme en 40 mais pr; ce qui est de gagner une guerre ??,…………………………………… C’est pas encore demain la veille ( Ukraine- Géorgie – Mali -Bielorussie- Libye )
    De plus , on n’a pas à exporter son modèle de civilisation à un peuple qui n’en veut pas exceptés certains privilégiés locaux nantis et intéressés ! ( Voyez les Anglais , les Russes avant et les français donneurs de leçons et leur Indochine )
    Il est dq; même grandement bizaaaar aussi de constater ici en Be et plus particulièrement en Région Bruxelloise de voir , que La charia à 10.000 bornes, ce soit l’enfer sur terre, tandis qu’ Importée à Molenbeek ou Verviers, c’est la grande richesse de la diversité! – – – – Etrange NON ????

  2. C’est une excellente intervention, en tous points juste.

    F Pezza

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